Des Vosges au Jura
8h du matin, col de la Chevestraye, je suis dans le doute. J’ai été malade la veille et je sais que le parcours sur lequel je m’engage sera exigeant physiquement. C’est un vieux projet que je peaufine depuis un an. Un tracé en ligne symbolique qui a pour but de relier les Vosges au Jura en suivant en grande partie le GR59. Un parcours en dents de scie, sans répit, d’une centaine de kilomètres pour plus de 2000 m d+. Est-ce que j’aurai suffisamment la caisse aujourd’hui pour en venir à bout ?
Le hameau de la Chevestraye au coeur des Vosges Saonoises:
Je me lance. Une première ascension sur piste de 300 m d+ pour rejoindre le GR59 au Coporot suivi d’une jolie alternance de chemins et de sentiers dans un style typiquement vosgien. Un portage pour rejoindre la Chapelle de Ronchamp, une très belle descente sur la ville par un sentier de toute beauté…Une heure a peine que je roule et je viens déjà d’en finir avec le chapitre vosgien de ce périple. Je suis déjà plus décontracté, le physique semble être au rendez vous, les jambes tournent particulièrement bien, la caisse est bonne…je commence à me dire que j’ai des chances de voir le Jura aujourd’hui.
Le tronçon qui suit est un des gros morceaux du parcours. La liaison Ronchamp-Saulnot : de la forêt a perte de vue, une succession de collines pré vosgiennes dont la plus haute culmine à 600 m et encore beaucoup de sentiers, a l’image de la traversée du massif du Chérimont et ses 14 km de monotraces ininterrompus. Je me régale !!! Les ascensions sont rudes mais les jambes répondent bien. Par contre je dois m’accrocher pour tenir la moyenne de 15 km/h que je me suis imposé pour être dans le timing…jusqu'à maintenant le terrain est loin d’être roulant.
Le village de Belverne perdu dans un océan de verdure:
A partir de Saulnot on entre a proprement parlé dans la campagne haute saonoise. Le relief est plus ouvert, la foret moins présente, les sentiers se font plus rares et laissent la place a des chemins forestiers ou agricoles…Ici l’expression « rouler dans de la bosse » prend toute sa signification. Sur presque 50 km je vais devoir affronter une succession de collines aux ascensions sévères (200 m d+ droit dans le pentu a chaque fois). C’est aussi sur ce tronçon que le périple va prendre une tournure quasi monastique. Je traverse une campagne déserte avec parfois de nombreux kilomètres entre deux villages isolés. Moi qui suis adepte de solitude et d’isolement je suis gâté !!!
La campagne haute saonoise et ses collines:
Entre Saulnot et Gémonval le GR59 se laisse allé a suivre de la route durant 8 km. Impensable pour le puriste que je suis !!! Je me concocte une petite variante tout terrain via Villers sur Saulnot, Gonvillars et Marvelise. Bonne initiative qui va m’offrir une très belle succession de sentiers et chemins forestiers. Mais le temps tourne, et il me reste encore une colline à gravir pour rejoindre Cyclope qui m’attend a Couchaton avec le ravito. Je mets le turbo !!!
Quand je retrouve Cyclope il est 12h30, j’ai 60 km et 1400 m d+ au compteur. Je profite du ravito pour faire le plein de barres énergétiques et d’eau. Je mets également des habits plus légers (les 10° de ce matin m’ayant obligé a me vêtir mi saison). J’avale un sandwich et un Coca mais ca ne passe pas très bien…l’estomac n’est pas encore bien remis du virus qui m’a mis HS hier. Je reprends la route sans tarder…les 20 km qui vont suivre vont être difficile.
Les falaises de Nans:
Les collines qui suivent sont rudes à escaler : la Motte de Gramont, Les falaises de Nans…etc. Je roule en « mode robot », l’estomac prêt à rendre son contenu à chaque coup de pédale. Je croise rapidement Cyclope a Cubry, ca me donne un peu de courage. Je le retrouve a Gondenans Montby ou je marque une pause réparatrice à coup de Coca et de pate de fruits. Mon estomac va mieux, le physique bien qu’entamé répond toujours présent, le moral est revenu au beau fixe…j’ai 85 km au compteur et j’ai droit a un second souffle qui me permet de rejoindre en grande pompe Hyevre Paroisse et la vallée du Doubs ou m’attend une nouvelle fois Cyclope l’ange gardien.
La vallée du doubs:
Je suis au point le plus bas du parcours (275 m d’altitude), avec 95 km et plus de 2000 m d+ derrière moi. Le but est proche mais je sais que ce dernier chapitre est un gros morceau. Il me faut maintenant monter sur le plateau du Haut Doubs avant de basculer dans l’étroite vallée du Cusancin ou se trouve le point final de mon périple. Un peu galvanisé, je ne sens plus la fatigue et j’attaque l’ascension généreusement…5km et 300 m d+ plus loin mon moral est un peu moins bon !!! Cette dernière ascension fut longue, très longue… peu soutenue mais sur un terrain très caillouteux et monotone ou le manque d’adhérence et la fatigue commençèrent sérieusement à venir a bon de ma patience. Heureusement le coup de grisou est de courte durée. Une fois sur le plateau je peux savourer le vaste panorama s’étendant des Monts du Lomont à Pontarlier en passant par Maiche, Morteau…etc. Superbe !!!
Panorama sur la plateau du Haut Doubs depuis Lomont sur Crête:
Cette fois c’est sur, je roule en terre jurassienne : falaise calcaires, vastes combes et monotraces rocailleux. J’en oublie la fatigue et les derniers kilomètres dans le réseau de sentiers surplombant la vallée du Cusancin sont un régal !!!
Du sentier jurassien en guise de dessert:
En guise de point final a ce périple, un superbe sentier technique me fait plonger sur le Val de Cusance ou je retrouve Cyclope qui m’attend tout sourire. Il est 16h30.
Le Val de Cusance:
Un petit coup d’œil au compteur : 105 km et 2500 m d+. Le pari est gagné. Un peu abasourdi par ces 8h30 de vélo j’ai un peu de mal réaliser tout le chemin parcouru depuis ce matin… Je savoure malgré tout l’instant durant de longues minutes en compagnie de Cyclope.
Un grand moment de vélo tout terrain, de randonnée épique et de complicité entre un père et un fils qui partagent depuis toujours le gout pour le défi sportif.